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Les Rendez-vous d'Anna de Chantal Akerman : présentation à la Cinematek

  • Julien Del Percio
  • 8 avr.
  • 3 min de lecture

Séance présentée par Juliette Goudot (Moustique, Gaël, La Première) en présence de Marilyn Watelet (collaboratrice de Chantal Akerman, assistante de réalisation sur Les Rendez-vous d’Anna puis productrice de la cinéaste). À l'occasion du 100e anniversaire de l'UPCB.

Les Rendez-vous d'Anna, de Chantal Akerman
© Cinematek

« Un monde éclaté. Un appartement où l’on ne fait que passer. Anna est cinéaste. On ne saura jamais très bien pourquoi ni comment. On ne verra d’ailleurs rien, tout au long du film de son activité qui relève plus immédiatement du cinéma, ni tournage ni acteurs, ni producteurs etc. On ne saura jamais très bien pourquoi elle est cinéaste, si ce n’est que ça lui permet et l’oblige à dériver, à errer, à être nomade. On la verra voyager de ville en ville, comme un commis voyageur pour présenter son film. On ne verra pas la présentation mais seulement les lumières d’un cinéma qui s’éteignent devant ou derrière elle, puis des gares, des trains, des quais, des chambres d’hôtel, des bouts de ville. (…) Les Rendez-vous d’Anna. On a tourné l’hiver. Avec Aurore. Encore une actrice que j’aime. »

 

C’est un extrait de Chantal Akerman, autoportrait en cinéaste, la très belle publication qui accompagnait la « manifestation Chantal Akerman » au Centre Pompidou en 2004.

Les rendez-vous d'Anna, de Chantal Akerman
© Cinematek

Notre grande chance aujourd’hui, pour parler de ce film sorti en 1978 avec Aurore Clément, Jean-Pierre Cassel et Lea Massari, c’est la présence de Marylin Watelet. Au moment du tournage des Rendez-vous d’Anna, Marylin Watelet n’est pas encore la productrice de Chantal (elle fonderont ensemble Paradise film à la fin des années 1970), elle est encore jeune assistante à la réalisation, puis au montage à l’étalonnage et au mixage.

 

Pour Les Rendez-vous d’Anna c’est la première fois que Chantal a vraiment des moyens, puisque la Gaumont soutient le film. On est trois ans après Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce 1080 Bruxelles, le film qui a donné à Chantal une visibilité internationale, élu en 2022 et pour les dix ans à venir « meilleur film de tous les temps » par la revue Sight & Sound du British Film Institute. Jeanne Dielman marquait la rencontre avec Delphine Seyrig, Les Rendez-vous d’Anna c’est la rencontre avec Aurore Clément, le début d’une collaboration de cinq films.

Les rendez-vous d'Anna
© Cinematek

Les Rendez-vous d’Anna est un film sur l’errance d’une femme en forme de double de la cinéaste entre la Belgique, Paris et l’Allemagne, et en cela c’est aussi un film sur l’Europe, sur la mémoire de la Shoah et puis sur l’amour des hommes. A la sortie du film on a reproché à Chantal Akerman de ne pas assez aimer les hommes, ou de s’en moquer, notamment à cause de la scène avec Jean-Pierre Cassel qui n’arrive pas à coucher avec le personnage d’Anna, et un peu plus tôt avec le personnage de Heinrich, un instituteur allemand, à qui Anna se refuse. Elle lui dit cette chose simple : « on ne s’aime pas ». C’est justement pour cette raison, je crois, que Les Rendez-vous d’Anna est une grande méditation sur l’amour, son impossibilité parfois.

 

C’est aussi une médiation sur l’étrangeté d’une femme qui rejette les différentes injonctions qui lui sont faites. Anna n’a pas d’enfant, elle traverse sa solitude et assume son désir de ne pas en avoir, alors que tout le monde lui en fait la remarque. C’est aussi une femme qui est capable, dans la solitude même de sa déambulation dans les gares, les hôtels ou les trains qu’elle prend entre l’Allemagne et la Belgique, de convoquer à elle seule les fantômes qui nous hantent.

 
 
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